La rupture de la paix d'Amiens

Publié le par Article de LINDEN Jean, LINDEN Louise

La rupture de la paix d'Amiens

(Article de LINDEN Jean, LINDEN Louise )

Après le traité de Lunéville, signé le 9 février 1801, l'Angleterre n'a plus d'alliés susceptibles de se battre en Europe. Elle a la maîtrise absolue des mers alors que la France, depuis Aboukir, n'a pu refaire sa marine. Aucune victoire militaire n'est donc possible dans un avenir rapproché puisque la France n'a plus d'adversaire en Europe continentale et que l'Angleterre n'a plus d'adversaire dans le domaine politique.
 
La situation économique anglaise est grave et inquiétante car la production de son industrie a progressé plus rapidement que la vente de ses produits et ceux-ci encombrent les docks. Les manufactures ont réduit leur activité, créant ainsi un chômage important à un moment où une série de mauvaises récoltes a provoqué une hausse considérable des denrées alimentaires. Des émeutes ont éclaté ; elles ont été sévèrement réprimées.

En France, la situation économique n'est pas non plus tellement brillante. Une guerre, même victorieuse, coûte très cher et il s'est écoulé trop peu de temps depuis Brumaire pour que l'Etat ait pu rétablir son équilibre financier. D'autre part, deux mauvaises récoltes ont provoqué dans certaines régions, et particulièrement à Paris, une pénurie de blé. Le pain a dépassé 18 sous la livre, somme très au-dessus des possibilités pécuniaires des ouvriers, des artisans, des gens de petite condition pour qui le pain est la base de l'alimentation.

Des deux côtés, faute d'une victoire militaire rapide qui se révèle impossible, il apparaît donc nécessaire de chercher une trêve qui permette de reprendre souffle.
Le Badois, Otto, envoyé à Londres par le gouvernement français pour négocier l'échange des prisonniers, va alors renouer avec les dirigeants anglais, un projet de paix entre les deux nations et, pour l'heure, en établir les bases. Après d'âpres discussions, les préliminaires de Londres seront signés le 1er octobre 1801 mais, avant même d'arriver à la conclusion du traité, les deux pays vont tenter de renforcer leurs positions pour essayer d'en tirer le maximum d'avantages.

La France a réuni un certain nombre d'atouts Le traité de Saint Ildefonse, du 21 mars 1801, qui confirmait les pourparlers d'Aranjuez, va amener l'Espagne à nous céder la Louisiane. Par ailleurs, nos troupes seront autorisées à passer par l'Espagne pour obliger le Portugal à abandonner l'alliance anglaise en contre-partie de l'abandon du Grand Duché de Toscane, qui sera remis au neveu du Roi d'Espagne
La paix signée à Florence le 28 mars 1801 avec le Royaume de Naples, oblige la Reine Caroline à fermer ses portes aux Anglais et nous autorise à placer des garnisons à Tarente, Otrente, Brindisi, divers points dont il serait facile de faire partir une expédition pour renforcer notre armée d'Egypte. Enfin, le Tsar Paul 1er, qui avait retiré ses troupes de la 2° coalition après la prise de Zurich par Masséna, se détache de plus en plus de l'Angleterre qu'il accuse, entre autres, d'arroisonner illégalement les navires neutres, même accompagnés d'un bâtiment militaire de leurs pays garantissant qu'il n'y a pas de marchandises en contrebande. Pour ce faire, il fonde avec la Suède, le Danemark et la Prusse, la Ligue des Neutres .
Malheureusement, le 24 mars 1801, Paul 1er est assassiné; son fils Alexandre lui succède. La politique russe sera renversée.

D'autre part, les Anglais se trouvent dans une situation difficile d'asphyxie, tous les ports d'Europe leur étant fermés. Ils bombardent Copenhague qui tombera sous les coups de Nelson. Alexandre dissout la Ligue des Neutres. Toutes ces manoeuvres n'ont pas fondamentalement changé la position de la France ni celle de l'Angleterre vis-à-vis l'une de l'autre Pitt ayant démissionné c'est Hawkesburry qui signera avec la France le traité d'Amiens le 25 mars 1802. Par ce traité, l'Angleterre s'engage à évacuer l'Egypte, à remettre Malte aux Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem dans les six mois qui suivront le départ des garnisons françaises de Tarente, Otrente, Brindisi. L'Angleterre doit nous restituer la totalité des colonies dont elle s'était emparée, elle doit rendre celles de l'Espagne et de la République Batave, sauf Ceylan et Trinidad.

La France nouvelle, pense-t-on, s'organisera dans la paix retrouvée. L'Angleterre, si inquiète pour sa vie économique, va pouvoir respirer et se reprendre. Pourtant, après la joie, viendra la déception! Les anciens adversaires vont adopter une attitude d'observation inquiète. Des deux côtés, on a ardemment désiré la paix, mais il est bien certain que, chacun ne songeant qu'à ses intérêts propres, il est bien difficile de la maintenir. En signant le traité d'Amiens, l'Angleterre a espéré un traité de commerce que Bonaparte finira par refuser sous la pression des manufacturiers rouennais et lyonnais et malgré l'avis favorable de Chaptal, ministre compétent Conciliante, elle avait toléré, deux mois après la signature des préliminaires, l'expédition de Saint-Domingue, mais l'accroissement de la France en Italie, la médiation helvétique, les changements opérés en Hollande, les travaux sur les routes du Simplon, du Mont Cenis, du Mont Genèvre sont à ses yeux autant d'usurpations interdites par la signature du traité.

La France, par ailleurs, se plaint de la lenteur avec laquelle on remet Malte à l'Ordre. Les attaques très violentes dans la Presse anglaise contre Bonaparte l'irritent au plus haut point. Il ne comprend pas que les Anglais soient dans l'impossibilité de juguler une Presse libre. Les événements s'aggravant, l'Angleterre trahissant les termes du traité, refuse d'évacuer Malte, bien que les troupes françaises se soient retirées du talon de la botte italienne. Tandis que Fox, en Angleterre essaie de calmer les esprits, Bonaparte met en oeuvre les ressources de sa politique pour effrayer l'Angleterre. D'un côté et de l'autre, on réarme.

Des propos très violents sont rapportés à Londres par Lord Withworth : « l'Angleterre veut la guerre, mais si les Anglais sont les premiers à tirer l'épée, je serai le dernier à la remettre dans le fourreau ». Le marchandage pour Malte provoquera un ultimatum anglais inacceptable pour la France. La rupture est proche. Deux bâtiments français sont capturés dans la Baie d'Audierne ; l'acte d'agression est constitué, entraînant des représailles françaises. Les deux adversaires sont à nouveau engagés dans la guerre. Jusqu'en 1815, ils ne devaient plus déposer les armes!
 

Publié dans NAPOLEON

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